Ce lundi 28 mai, 25 femmes du point focal Obala / Batchenga ont été formées par Madame Charlotte Eyengue, responsable de la zone, sur le processus de transformation du tubercule de manioc (manioc brut) en bâton de manioc. Dans le cadre de son projet de développement agricole, l’association ANI International a travaillé avec l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement, à Yaoundé, afin d’élaborer une fiche technique sur le bâton de manioc (la version définitive de la fiche technique vient tout juste d’être envoyé par l’IRAD). Cette fiche permet de donner des directives sur les bonnes techniques de transformation à pratiquer afin de favoriser la reproductibilité et la qualité des produits finis.

L’objectif est de transmettre ce savoir aux agriculteur/trices du réseau par l’intermédiaire de formations. Celles-ci sont essentielles dans le cadre de ce projet puisqu’elles permettent d’uniformiser les pratiques et de sensibiliser sur les normes d’hygiène, qui ne font pas systématiquement partie des préoccupations aux villages.

Voici comment le réseau va produire désormais le bâton de manioc au sein des futures unités de transformation :

  • Phase 1 : le lavage et le triage des tubercules

Les tubercules de manioc ont préalablement été récoltés aux champs, épluchés et trempés dans l’eau potable, 3 jours avant la formation. Pour cette transformation aucun ferment n’a été ajouté. Notons que des ajustements de process seront à faire : en effet, la dernière version de la fiche technique nous informe qu’il est préférable d’ajouter du ferment (sous forme de poudre) car les consommateurs montrent une préférence gustative pour les bâtons avec une saveur de ferment plus marquée. Au bout des 3 jours de trempage, les tubercules ramollissent, fermentent et forment de la pâte (au-delà de ces trois jours le bâton risque de devenir trop acide).

Avant de commencer, Madame Eyengue a rappelé quelques règles d’hygiène essentielles. Cela peut nous paraitre évident mais ces gestes simples ne font pas forcément partie des habitudes aux villages :

  1. Toutes les femmes doivent avoir un foulard sur la tête pour éviter les chutes de cheveux.
  2. Toutes les femmes doivent se laver les mains.
  3. Toutes les femmes doivent avoir les ongles propres et taillés.
  4. Toutes les femmes devront porter une blouse de travail blanche au sein de la future unité de transformation qui ouvrira à Batchenga.

Pendant cette phase, les femmes rincent les tubercules ramollis à l’eau propre et retirent les racines qui se trouvent au cœur du tubercule : c’est le triage selon la fiche technique. Le triage est en général une étape ignorée au village car elle fait perdre de la matière première ainsi que du temps. Néanmoins, elle est nécessaire si nous voulons faire un bâton de qualité car cela permet de réduire les fibres et filaments contenus dans le produit final.

1.Les bassines contiennent les tubercules qui ont été plongés dans l’eau 3 jours auparavant. Ils sont déjà mous.

2. Les agricultrices, par groupe, se relayent pour retirer les racines, fibres et filaments du tubercule.

  • Phase 2 : le pressage

Les tubercules ramollis sont placés dans de grands sacs et forment maintenant une pâte blanche. Afin de presser la pâte, les femmes ont recours au matériel traditionnel qui consiste en un bâton de bois plat. Les sacs sont fermés à l’aide de ces bâtons et des tours sont effectués afin de presser au maximum la pâte. L’objectif de cette phase est de retirer toute l’eau qu’elle contient.

ANI International a obtenu, de la part du PIDMA (Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles), un don de matériel agricole qui sera installé dans les futures unités de transformation et parmi lequel se trouve des pressoirs mécanisés. Cette machine va donc permettre de presser la pâte de manioc sans que les femmes n’aient à intervenir ou à dépenser d’énergie.

1. Une agricultrice ferme le sac à l’aide du pressoir traditionnel, en faisant plusieurs tours.

Puis, les femmes posent de grosses pierres sur les sacs contenant la pâte, pendant 20 à 25 min, afin d’évacuer l’eau résiduelle. La machine permettra d’éviter cette phase puisque l’eau sera automatiquement et entièrement évacuée.

  • Phase 3 : le nettoyage des feuilles

Le bâton de manioc est emballé par des feuilles de la famille des marantacées : elles se trouvent au sein des marécages en forêt, loin des villages.

En règle générale, cette phase est ignorée des agriculteurs au village car elle fait perdre du temps : ils récoltent les feuilles et y disposent directement la pâte. La fiche technique prévoit des règles d’hygiène plus poussées : les côtés de chaque feuille sont lavés au savon et rincés à l’eau, puis séchés au soleil sur une grande bâche, également lavée préalablement au savon. L’objectif est de sensibiliser les membres du réseau à l’adoption d’une meilleure hygiène de production et de leur faire comprendre l’intérêt d’appliquer de telles mesures malgré la perte de temps évidente. Une bonne organisation de travail entre les membres permettra de rétablir l’équilibre entre productivité et temps.

1. Les agricultrices lavent les feuilles au savon dans une première bassine et rincent les feuilles dans la seconde

  • Phase 4 : le classement des feuilles

A l’heure actuelle, cette phase n’est maitrisée que par deux femmes de la zone. Elles assistaient Madame Eyengue lors de la formation.

Cette phase permet de mesurer les feuilles et de les assembler par taille afin d’avoir des bâtons de dimensions identiques. En effet, un des critères de qualité prévus dans la fiche technique est l’uniformité des bâtons : chaque bâton doit mesurer environ 60 cm. Pour se faire, une grande bâche, sorte de toile de paillage tissée, est posée à terre sur laquelle les femmes s’assoient après avoir ôté leurs chaussures. Une feuille mesurant entre 30 et 50 cm, les agriculteurs doivent superposer plusieurs feuilles pour atteindre la longueur souhaitée.

1.Jeanne fait partie des deux membres à connaitre cette technique.

2. Une fois la bonne longueur atteinte avec les deux premières feuilles, et afin de gagner du temps pour l’étape suivante, les femmes superposent les feuilles suivantes sur la mesure initiale

  • Phase 5 : le remplissage

Lors de la confection d’un bâton de manioc il faut entre 4 et 5 feuilles pour emballer la pâte. Les femmes placent la pâte le long de la feuille puis la roule avec les doigts pour la répartir de manière homogène.

1. La pâte de manioc est répartie au milieu des feuilles avec les doigts.

2. Les feuilles sont fermées pour tasser la pâte.

3. Le surplus de pâte est retiré

  • Phase 6 : le tissage

C’est la dernière phase avant cuisson : le bâton est presque prêt. Les femmes attachent les feuilles en enroulant de la ficelle le long du bâton et en suivant la fiche technique qui prévoit 25 tours de ficelle environ, soit 25 nœuds. Le principe est le même que pour la mesure des feuilles : ces indications favorisent une uniformisation de la production mais aussi la création d’une identité propre au réseau autour de notre produit phare.

  • Phase 7 : la cuisson

Les bâtons de manioc sont empilés dans une marmite et recouverts d’un plastique afin que la chaleur se diffuse de façon optimale. Il faut 40 min à 1h de cuisson : pour savoir à quel moment la cuisson est parfaite, les femmes se fient à leur odorat !

 

 

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Ces formations s’inscrivent dans notre projet de développement agricole et d’implantation d’unités de transformation au sein de la LEKIE. Comment faire fonctionner une usine si les personnes qui y travaillent ne connaissent pas le processus de transformation à adopter ?

En partant de cette question, un constat sans appel a été fait : le renforcement des capacités des membres du réseau est nécessaire afin de faire fonctionner les unités.

Ces formations techniques sur les processus de transformation seront complétées par d’autres formations plus généralistes, dispensées notamment par notre partenaire « le Programme d’appui à la formation professionnelle agropastorale (AFOP) ». L’AFOP interviendra sur les questions d’organisation et de communication au sein d’un groupement ainsi que sur les questions de gestion administrative et financière d’une unité de transformation.

Rendez-vous lors de la prochaine formation technique du point focal Obala/Batchenga, qui se tiendra le 27 juin, sur la thématique : les bonnes pratiques de transformation du tubercule de manioc en tapioca et en mitoumba.

Clémence et Mathilde, Volontaires en Service Civique